Philippe Sollers

INTERVENTION

 

Grandeur du Catholicisme

 

 

 

 

  Qu’a voulu Vélasquez ? Le pouvoir, encore le pouvoir, toujours le pouvoir.  Heureusement qu’il y a eu des rois qui s’appelaient Philippe : Philippe IV en Espagne et, bien avant, Philippe le Hardi en France. L’esprit décomposé de la République n’aime pas ce pouvoir transcendantal de la peinture. On ne peut pas, selon les Français désagrégés, peindre du même pinceau la Vénus au miroir et le Pape Innocent X.  Comme on sait, le portrait d’Innocent X faisait se convulser Francis Bacon, qui, dans une série de peintures célèbres l’a introduit dans une chaise électrique. Picasso, lui, avait deux obsessions, les Ménines, qu’il a scannées sans arrêt, et Le Déjeuner sur l’herbe de Manet.

  Quel est le pouvoir qui se dégage de ces peintures ? Sûrement pas la poussière romantique désormais effondrée dans l’art contemporain. Le pouvoir, tel est le véritable enjeu, comme l’avait déjà compris cet autre catholique sublime, Rubens, artiste surchargé de missions diplomatiques. L’histoire du poète ou du peintre « maudit » est une vaste blague qui ne résiste pas à l’examen froid. Les Français détestaient Manet, qui lui-même, haïssait Thiers, ce criminel que tous les villages de l’Hexagone célèbrent par des rues. Aucun Vélasquez n’a figuré à Paris, et Péguy n’en parle jamais, pas plus que Heidegger. Le repentir de l’exposition actuelle ne suffira pas à effacer cet aveuglement départemental et radical.

  Vélasquez a pris la place du roi d’Espagne de son époque et des papes dans leur vérité définitive. Que voit le Pape dans cet admirable dos nu de la Vénus au miroir, que dément son visage reflété, sinon la sœur de Vélasquez lui-même ? L’histoire secrète continue, plus que jamais, à l’École du Mystère.

 

 

Philippe Sollers

Rome, Dimanche des Rameaux, 29 mars 2015, 19h

 

 

 

 

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