“ En
vérité, je vous le dis, si quelqu'un garde ma parole, il ne verra jamais la
mort “
JEAN 8, 51
“En
vérité, en vérité, je vous le dis, avant qu'Abraham fût, je suis”
JEAN 8, 58
Titien, La résurrection, 1520
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« Avant
qu'Abraham fût, je suis » est une parole capitale de
Jésus qui va déclencher une convulsion tout à fait révélatrice et casser
l'histoire en deux morceaux. Jésus opère là une scission, un brusque changement
de temps à l'intérieur de la temporalité extraordinairement précise,
généalogique du judaïsme, où il n'est question que de reproduction et de la
prise de pouvoir que cela suppose.
Cette rupture temporelle est un acte métaphysique
et politique incroyable : il y a la mort, il y a le temps humain, qui constitue
la reproduction même de l'espèce humaine, et par-dessus, Jésus annonce une
autre conception du temps : il se déclare issu d'un père vivant qui est dieu et
dont il accomplit, incarne la parole. Ce fils de dieu reprend l'identité de
Dieu lui-même révélé à Moïse - « Je suis
» -, ce qui suppose une double naissance : une naissance constante, et une
naissance dans l'histoire en tant qu'homme. C'est donc une naissance
ahurissante, inconcevable qu'il affirme jusqu'à sa mort.
Celui qui gardera la
parole de Jésus ne verra jamais la mort. Jésus passe au temps de la parole, qui
se conjugue au présent. Au commencement « EST » le verbe. C'est le présent même
de la puissance de la parole que nous sommes censés entendre.
PHILIPPE SOLLERS
Le monde des religions, Le message de Jésus - Hors-série n°17
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